Guillaume et Victor Berkeley sont frères, et britanniques. C’est Victor l’aîné.
Ils vivent tous les deux avec leur mère et leur beau-père sur une île anglo-normande.
Chaque année, pendant les vacances, ils attendent avec impatience l’arrivée de Simon Bloch, un riche intellectuel parisien, grâce à qui les adolescents ont enfin une ouverture sur le monde et le continent : leur mère n’a jamais autorisé qu’ils quittent l’île.
En avril 39, alors que la menace gronde un peu partout en Europe, l’arrivée de Pauline, la fille de leur beau-père, va complètement bouleverser leur quotidien, et les deux frères, qui étaient inséparables, vont, pour la première fois de leur existence, se déchirer.
Tellement fort que Guillaume prend la fuite et va s’installer dans l’appartement de Simon Bloch à Paris.
Deux jours après son arrivée, l’Angleterre déclare la guerre à l’Allemagne.
Plus rien ne sera jamais comme avant.
Les mois passent.
Les Allemands s’installent et commencent à faire régner la terreur au sein de la population juive. Simon Bloch choisit de quitter la ville lumière, ne s’y sentant plus en sécurité. Il propose d’emmener Guillaume avec lui, mais le jeune homme refuse et reste vivre à Paris, où il s’accommode plutôt bien de la vie avec l’occupant allemand… Dans un milieu où certains artistes, écrivains, journalistes ou acteurs n’ont aucun scrupule à frayer avec les nazis…
Tout cela jusqu’au printemps 42, au moment où Guillaume ne sait plus trop bien qui il est .
Anglais ? Français ? Collabo ? Résistant ? Traître ? Héros ?
Difficile pour lui de savoir réellement quelle existence est la sienne dans cette période si noire de l’Histoire.
Lui, ce jeune homme qui a toujours fait preuve de sincérité envers toutes celles et ceux qui ont croisé son chemin depuis qu’il a fui son île natale. Guillaume Berkeley, si jeune face à ces horreurs, face à toute cette folie humaine…
Nicolas d’Estienne d’Orves réussit la performance de faire revivre ces années de manière passionnante.
Plus de 750 pages. Une brique, et jamais la moindre lassitude.
Au contraire. On adhère immédiatement à cette histoire impossible à quitter, un roman qui déconstruit sans jamais les trahir, les lectures officielles de ces périodes les plus sombres du 20ième siècle.
L’écriture est sensible, rapide, fluide. Elle cultive à merveille toute l’ambiguïté du personnage.
Un roman qui marque, qui pose question aussi : si vous aviez vécu à cette époque, de quel côté votre cœur aurait – il penché ? Une question dont la réponse semble évidente, mais qui ne l’est pas tant que ça quand on y réfléchit un peu …
« Les fidélités successives », un roman ambitieux, qui aurait mérité au moins une sélection Goncourt …