
Nazperi Nalbantoglu, que tout le monde appelle Peri, a grandi dans les années 80 au sein d’un quartier populaire sur la rive asiatique du Bosphore à Istanbul.
Entre un père complètement laïc qui ne crache pas sur un verre de raki, et une mère carrément bigote, qui ne parle que d’Allah, elle est la dernière née de la famille.
Gâtée, choyée, son enfance est plutôt heureuse, même si les tensions entre ses parents gâchent un peu son existence, et la rende surtout un peu plus compliquée, puisqu’elle est sans cesse tiraillée entre la piété militante de sa mère et le matérialisme tout aussi militant de son père.
Il n’empêche que Peri a la chance de pouvoir faire des études.
Elle lit beaucoup, et termine chaque trimestre première de sa classe.
Son père est convaincu que c’est l’éducation qui sauvera le monde.
Il veut qu’elle fasse ses études à l’Ouest.
A Oxford.
Avec un objectif, « tu te rempliras la tête de connaissances » lui dit-il, « et ensuite tu reviendras. Il n’y a que les jeunes comme toi qui peuvent changer le destin de ce vieux pays fatigué. »
Durant ses années de lycée, Peri traverse des périodes de foi, des périodes de doute aussi.
Avec son père, elle envoie sa candidature dans plusieurs universités prestigieuses à l’étranger, et finalement, c’est bien à Oxford qu’elle est admise.
Là-bas, elle fait la connaissance de Shirin, une iranienne plutôt émancipée, et de Mona, musulmane, très pratiquante, et féministe.
Les trois étudiantes deviennent amies, et fréquentent assidûment le cours d’Azur, leur flamboyant et si charismatique professeur de philosophie.
Depuis Oxford, les années ont passé.
Peri s’est mariée à un riche promoteur, et au moment où l’histoire commence, elle assiste à un grand dîner, dans une des somptueuses villas qu’on trouve le long du Bosphore.
Dans les conversations, tous les convives commentent les évènements que traverse la Turquie, et Peri ne peut s’empêcher de repenser à sa jeunesse, à ses études, à ses amies, à Oxford.
Pourquoi cette soudaine bouffée de nostalgie ?
C’est à découvrir dans cet excellent roman d’Elif Shafak.
La romancière turque n’en est pas à son coup d’essai, puisqu’elle a déjà écrit une dizaine de romans, à chaque fois salués par la critique.
Shafak, qui est traduite en 48 langues, milite activement pour les droits des femmes et collabore à de nombreuses publications internationales.
Cette fois, elle signe une satire très dure, assez violente même, sur la bourgeoisie stambouliote, mais aussi sur le fanatisme religieux, tous complètement aveugles aux aspirations et aux attentes d’une jeunesse qui finalement ne recherche que vérité et liberté.
Un tableau très lucide, et il faut le dire aussi, assez effrayant de la Turquie d’aujourd’hui…
A lire sans aucune hésitation.