Il n’y a aucun mystère : dès les premières lignes du roman, on sait qu’un drame épouvantable vient de se produire : « Le petit Thomas n’avait pas eu le temps de finir sa compote. Sa mère ne lui avait laissé aucune chance. La vitesse à laquelle le poison s’était diffusé dans son sang lui avait simplement permis de ne pas trop souffrir au moment de mourir… »
Vous avez bien lu, il s’agit d’une mère qui vient de tuer son fils, une mère qui vient aussi de se suicider et d’empoisonner son mari. Un geste longuement mûri et prémédité par cette maman qui s’appelle Marie.
Marie, une jeune femme correcte sous tous rapports. A 31 ans, elle est bien dans sa vie, dans son boulot à la banque, bien dans son couple surtout, avec son mari Laurent, de deux ans son aîné, un avocat qui commence à compter à Paris. Les amoureux n’ont aucun problème dans l’existence, aucun souci matériel. Ils envisagent même d’avoir un bébé, pour couronner leur bonheur.
Mais ça c’était avant.
Avant le drame qui a complètement bouleversé la vie de Marie…
Un soir, en revenant de son travail, la jeune femme a été violée par le directeur de la banque où elle travaille.
Directeur qui a menacé de la virer si elle déposait plainte ou si elle en parlait à qui que ce soit.
Alors, Marie, honteuse et souillée a décidé de ne parler de ça à personne, même si elle a été complètement meurtrie dans sa tête et dans son corps, elle décide de tout garder pour elle. « Si elle voulait lui avouer (à son mari), elle ne pourrait pas trouver la bonne façon de le faire. Il la regarderait toujours différemment. «
Le lendemain du viol, elle décide d’aller travailler, de faire comme si rien ne s’était passé. Le soir, chez des amis, elle se dit que : « Même si elle l’avouait publiquement, elle n’est pas certaine de la réaction des gens ».
Et la vie de Marie devient un enfer.
Quelques semaines plus tard, dans ce cauchemar qu’elle vit éveillée, elle se rend compte qu’elle est enceinte.
Laurent explose de joie. Pas Marie. « Elle sait déjà qu’elle ne le supportera pas. Marie n’a pas de doute. Ce n’est pas l’enfant de son mari. »
Convaincue donc que ce bébé à venir est celui de son violeur, Marie s’enferme toujours un peu plus dans une impasse dont elle ne sortira pas. Même si elle a honte, même si elle culpabilise et se trouve idiote de ne pas avoir réagi autrement, elle continue de ne pas parler de ce viol qui a complètement détruit sa vie.
Elle accouchera dans la plus grande douleur…
Inès Bayard signe ici son premier roman.
Un roman qu’on n’oublie pas, un texte très dur, c’est une véritable gifle qu’on prend en le lisant, et on en sort complètement groggy.
Un roman qui marquera les esprits, un roman choc à l’écriture ciselée, très très crue…
Bayard ne tourne pas autour du pot, c’est une certitude.
Mais pour raconter les conséquences d’un viol, pour en prendre conscience, pour ceux qui en douteraient encore, il n’y a rien de tel.
Ce roman est absolument bouleversant, de la première à la dernière ligne, malgré sa dureté, et malgré toute l’horreur décrite.
Marie est-elle un bourreau ou est-ce une victime ? Après avoir lu, vous vous forgerez votre propre opinion et vous lui trouverez des circonstances atténuantes … ou non.
« Le malheur du bas », le roman choc de cette rentrée littéraire 2018.
Même si on n’en sort pas indemne, il faut le lire.