Quand Maud trouve sa mère inanimée à côté de son lit, et que les infirmiers des urgences font le point avec elle sur l’état de celle-ci : reins atteints, gonflements du visage et du cou, paralysie d’un bras, température bien trop basse, Maud se dit que cette fois, c’est bien fini. Sa mère aura réussi sa nouvelle tentative de suicide.
D’une série de machines s’échappent des sons répétitifs. Sur les écrans, des graphiques. Reliée aux fils, elle dort dans un lit à barreaux. Je caresse son front. Ses yeux s’ouvrent, se referment, hallucinés. Tantôt elle geint, tantôt elle cogne les barres de métal. Une infirmière entre, ferme la porte avec douceur. ‘’Votre maman a avalé une grande quantité de médicaments, elle a fait des mélanges’’, chuchote celle qui se faufile entre les sondes, les perfusions, en vérifiant les écrans. Je suis soulagée, enfin quelqu’un qui énonce la réalité.
A son chevet pourtant, chaque jour qui passe est une victoire sur la mort.
Après de longues journées de convalescence, après avoir mis la patience de son entourage à bout, la mère de Maud finit par pouvoir rentrer chez elle, et Maud ne peut s’empêcher de plonger dans son passé, peut-être pour essayer de retenir ces années qui sont tout doucement en train de lui échapper.
A quoi a ressemblé sa vie aux côtés de cette mère si particulière ?
Une mère professeur d’archéologie, toujours en mouvement, une espèce d’exploratrice des temps modernes, égyptologue et parfois pilleuse de pyramides.
Une femme complexe, sentimentalement très instable, constamment tiraillée entre ses compagnons et amants, incapable de se fixer quelque part, au grand désespoir de Maud et de sa sœur cadette Marie.
Une femme sujette à la dépression, qui aura souvent été impitoyable avec ses filles, même si elle les a aimées, à sa façon, peut-être mal.
C’est de tout cela dont Maud veut se souvenir.
Donc j’ai continué à écrire. Pour que ma sœur et moi, nous puissions nous endormir par marée haute ou basse, sans craindre l’influence des phases de lune, ni les rechutes, ni les tourments, les messages impromptus de notre mère retournée chez elle après le centre de convalescence, au milieu de ses objets égyptiens, de ses tapis d’Orient, de ses photos d’anciens amants.
D’une page à l’autre, nos années d’errance s’égrènent antre mes doigts bleuis par l’encre.
Année après année, Maud se remémore toute son enfance, puis son adolescence.
Il m’arrive de douter de ce que j’ai vu. De perdre pied. Et si tout cela était inventé dans le seul but de la persécuter ? est-ce le souvenir précis de ce que j’ai vécu avant d’entrer en maternelle ou ce que mon père m’a raconté ? la mémoire est un labyrinthe dans lequel je tente de me dépêtrer.
Quand, bien plus tard, sa mère finit par mourir, Maud s’installe dans la maison maternelle pour y faire du rangement …
Comment va-t-elle survivre à ce choc ?
Comment survivre à une telle relation d’amour-haine ?
Comment en sortir indemne et pouvoir envisager l’avenir sereinement ?
C’est à lire dans ce premier roman de Valérie Nimal.
Un premier roman qui comptera, c’est certain.
Les mots sont parfois durs, parfois tristes, parfois drôles, souvent tendres.
L’écriture est fine et pudique.
L’histoire touchante.
A découvrir très vite.