Richie, Raphaëlle Bacqué, Livre de Poche

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Quand il rentrait dans un auditoire, les étudiants scandaient le surnom dont ils l’avaient affectueusement affublé, « Richie, Richie Richie… »  Comme une rock star.

Du jamais vu dans cette institution qu’est Sciences Po.

Lui, Richie, c’est Richard Descoings, un fils de bonne famille, dont l’ascension fulgurante a de quoi donner le tournis, et dont la fin est complètement tragique : comme un héros de Balzac :  Richie est retrouvé mort à 54 ans en avril 2012, dans une chambre d’hôtel de New York, un décès plutôt mystérieux au départ.

A son enterrement, le tout Paris ou presque : des politiques,  des ministres, de gauche, de droite, des grands patrons, des ambassadeurs, même Obama a présenté ses condoléances depuis la Maison Blanche.

Au premier rang, à l’église, son épouse et son  compagnon : tous les deux pleurent chaudement celui qu’ils ont tant aimé sans que cela ne semble gêner le moins du monde le prêtre chargé de la célébration religieuse.

Une situation assez inédite qui a intrigué Raphaëlle Bacqué et qui lui a donné l’envie d’enquêter sur cette personnalité hors du commun.

« Le soir, lorsque le sage énarque enlève son costume et sa cravate pour enfiler pantalon de cuir et tee-shirt moulant et plonger dans la nuit, il ne sait plus très bien laquelle des deux tenues est un déguisement.  »

Richard, l’oiseau de nuit,  goûte à tout : drogues, alcool, sexe, rien ne lui résiste.

En journée, le programme est complètement différent :  » c’est un bûcheur contraint par les règles de l’ambition. »

Comment arrive-t-il à concilier les deux faces de sa personnalité, comment grimpe-t-il petit à petit les échelons ?  Comment est-il parvenu à faire de Sciences Po le vivier de tous les pouvoirs, lui qui a ouvert les portes de ses amphithéâtres aux élèves des banlieues, lui qui s’est battu pour envoyer ses étudiants aux quatre coins du monde, dans les meilleures universités de la planète .

Certains ont vu en lui une espèce d’ovni, un monarque éclairé, à la fois adulé puis démoli par la presse.

Raphaëlle Bacqué a voulu comprendre le phénomène Richie. La journaliste du Monde a rencontré  et interrogé des dizaines de personnes qui ont croisé la route de cet homme tenté par toutes les transgressions.

Avec elle, nous franchissons allègrement les portes des boîtes du Marais, nous nous glissons dans les cabinets ministériels,  nous ouvrons grand nos oreilles dans les salons sarkozystes, nous nous ennuyons avec Richie dans les bureaux du Conseil d’Etat ou ceux de la Cour des Comptes, et puis nous nous éclatons dans ces soirées étudiantes qui s’arrêtent uniquement quand le jour se lève … Pffttttt, on n’a plus vingt ans … difficile de suivre la cadence de Richie …

« Richie » ou un incroyable biopic, qu’on lit d’une traite.

 

Les vies de papier, Rabih Alameddine, Editions les Escales

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Elle s’appelle Aaliya Saleh, elle a 72 ans, elle n’est pas toujours experte quand elle fait sa colo : ses cheveux sont bleus à présent, heureusement, elle a une santé de fer lui affirme son médecin, de fer rouillé précise-t-elle.

Aaliya n’a pas de téléphone portable, personne ne l’appelle, elle est seule, et c’est son choix… « Un choix qui tient compte du peu d’autres options disponibles. La société beyrouthine n’appréciait pas les femmes divorcées sans enfant en ce temps-là »…

Mariée à 16 ans, retirée aussitôt de l’école, son mari impuissant la répudie quatre ans après leur mariage qui n’a salué la naissance d’aucun enfant. Pour subsister, elle trouve un emploi dans une librairie de Beyrouth. Elle y restera des dizaines d’années.

Parce que la littérature est son refuge, son plaisir aveugle. L’air qu’elle respire.

Les murs de son vieil appartement sont d’ailleurs tapissés de livres, de cartons remplis de papiers, de feuilles volantes, celles  avec  les traductions qu’elle commence rituellement chaque année le premier janvier, les traductions en arabe de ses auteurs préférés, Kafka, Pessoa ou Nabokov.

Rabih Alameddine propose un somptueux portrait de femme : une femme qui n’a jamais accepté de se laisser enfermer dans le carcan de la société libanaise qui pouvait se montrer très cruelle avec une femme seule.

Aaliya, qui ne s’est jamais soumise.

A personne, et encore moins  à la religion.

Sa religion à elle, c’est la littérature : son seul amour.

Les jurés ne sont pas trompés en lui décernant le prestigieux Prix Fémina Etranger 2016.

Ce roman est absolument éblouissant.

Ne passez pas à côté.

 

Le mal par le mal, Jérôme Camut, Nathalie Hug, Livre de Poche

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Si vous n’avez pas encore lu « Le sourire des pendus », soit le premier tome de la série W3, c’est le moment de cliquer sur une autre proposition de lecture, ou de commencer à le lire tout simplement pour pouvoir enchaîner avec celui-ci qui en est la suite.

Et on retrouve Lara Mendès, qui se remet tant bien que mal de la séquestration dont elle a été victime en enquêtant  sur le marché du sexe et ses déviances.

Lara qui souhaite se reconstruire et refaire sa vie, loin de W3, ce site d’infos qu’elle a fondé avec ses proches il y a quelque temps déjà pour dénoncer les dysfonctionnements de la justice.

Le problème, c’est qu’une vague de meurtres secoue le pays, les victimes étant, à chaque fois, des officiers de police.

De quoi créer rapidement un vrai sentiment de panique, même si visiblement, en haut lieu, on essaie par tous les moyens, d’étouffer l’affaire.

De quoi évidemment susciter la curiosité de la Web TV dont le personnel est convaincu de tenir une nouvelle bombe médiatique …

Le problème, c’est que W3 est fragilisée par des tensions internes, et de très fortes pressions extérieures : la chaîne se retrouve très vite en plein chaos…

Le premier tome de la série, « Le sourire des pendus » avait reçu le Prix des lecteurs du Livre de Poche en 2014.

La suite est absolument du même acabit.

Camut et Hug ont toujours la même inspiration dans leur écriture à quatre mains.

« Le mal par le mal », un thriller qui décoiffe, sans temps mort, un thriller qui coupe le souffle, très dur,  un de ceux qu’on n’arrive pas à lâcher.

Très très loin de ce que les auteurs français nous servent d’habitude.  Parce que maintenant,  le couple Camut et Hug joue dans la cour des plus grands auteurs du genre.

 

 

 

 

Mémoires Beate et Serge Klarsfeld, Livre de Poche

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Il est devenu presque inutile de les présenter : Beate et Serge Klarsfeld.

Un couple déjà entré dans la légende, alors qu’ils sont toujours en vie, tous les deux.

Pourtant, rien ne laissait supposer que Beate, fille d’un soldat de la Wehrmacht, et Serge, fils d’un juif roumain mort à Auschwitz allaient tomber éperdument amoureux l’un de l’autre.

Un coup de foudre sur un quai de métro à Paris.

Beate est alors jeune fille au pair et Serge étudiant à Science Po.  Très vite, ce couple mythique va se spécialiser dans la traque des anciens nazis. D’abord en Allemagne où Beate mène un combat acharné pour les empêcher d’accéder à des postes à haute responsabilité.

En France ensuite : traîner Klaus Barbie devant les tribunaux, c’est eux. Eux encore qui jouent un rôle central dans les procès de Bousquet, Touvier et Papon.

Sans répit, malgré les menaces, malgré les arrestations, un combat de chaque jour. Exemplaire. Raconté de manière passionnante, à deux voix : celle de Beate, en alternance avec celle de Serge.

Des mémoires qui font plus de 1000 pages.

Qu’importe, elles se lisent comme un roman. Extrêmement captivant.

Pour ne pas oublier.

Jamais.

Petit pays, Gaël Faye, Grasset

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En 1992, Gabriel a 10 ans. D’un père français, d’une mère rwandaise, le petit garçon vit avec sa petite sœur Ana, dans une confortable villa d’un quartier d’expats à Bujumbura, au Burundi.

Gaby, c’est comme ça que tout le monde l’appelle, passe le plus clair de son temps, quand il n’est pas à l’école, avec ses amis. Une belle bande de copains, complètement insouciants, plus occupés à faire les 400 coups, à chaparder les mangues les plus mures dans le jardin des voisins, ou plonger dans la rivière que s’inquiéter de la situation politique qui commence vraiment à sentir mauvais.

-« La guerre entre les Tutsi et les Hutu, c’est parce qu’ils n’ont pas le même territoire ?

– Non, ça n’est pas ça, ils ont le même pays.

– Alors … ils n’ont pas la même langue ?

– Si, ils parlent la même langue.

– Alors, ils n’ont pas le même  dieu ?

– Si, ils ont le même dieu.

– Alors pourquoi se font-ils la guerre ?

– Parce qu’ils n’ont pas le même nez.  La discussion s’était arrêtée là. C’était quand même étrange cette affaire. Je crois que Papa non plus n’y comprenait pas grand chose.  »

A ce moment là, à part dévisager les visages et les nez des gens qu’ils croisent, le conflit latent entre Hutu et Tutsie ne perturbe pas encore trop la vie de Gaby.

C’est que  le quotidien du petit métis va d’abord être chamboulé par tout autre chose : la séparation de ses parents, « des adolescents paumés à qui l’on demande subitement de devenir des adultes responsables ».  Qu’à cela ne tienne, Gaby continue sa vie de pré-adolescent, avec ses potes.

« On passait notre temps à se disputer, avec les copains, mais y a pas à dire, on s’aimait comme des frères. Les après-midi, après le déjeuner, on filait tous les cinq vers notre quartier général, l’épave abandonnée d’un Combi Volkswagen au milieu du terrain vague. Dans la voiture, on discutait on rigolait, on fumait des Supermatch en cachette, on écoutait les histoires incroyables de Gino, les blagues des jumeaux, et Armand nous révélait des trucs invraisemblables qu’il était capable de faire, comme montrer l’intérieur  de ses paupières en les retournant, toucher son nez avec sa langue, tordre son pouce en arrière jusqu’à ce qu’il atteigne son bras, décapsuler des bouteilles avec les dents du devant ou croquer du pili-pili et l’avaler sans ciller. Dans le Combi Volkswagen, on décidait nos projets, nos escapades, nos grandes vadrouilles. On rêvait beaucoup, on s’imaginait , le cœur impatient, les joies et les aventures que nous réservait la vie. En résumé, on était tranquilles et heureux, dans notre planque du terrain vague de l’impasse. »

Tranquilles et heureux … cela ne va pas durer, malheureusement. Gaby se demande quand, avec ses copains, ils ont commencé à avoir peur. Est-ce ce jour où deux garçons burundais se sont battus à l’école, ce jour où les élèves se sont rapidement « séparés en deux groupes, chacun soutenant un garçon. « Sales Hutu » disaient les uns, « sales Tutsi » répliquaient les autres ». Gaby qui reconnait avoir voulu rester neutre, et n’avoir pas pu… Un sentiment qui n’a fait que se renforcer, après sa visite au Rwanda voisin, si proche, où la situation s’annonce cauchemardesque pour les Tutsi. Nous sommes fin 1993, à la veille du génocide. Gaby vient de se découvrir métis, Tutsi, et Français …dans un monde qui n’est plus qu’horreurs et violence. C’est toute son existence qui va basculer.

Gaël Faye signe ici son premier roman. Magnifique. Celui d’un enfant confronté avec insouciance d’abord, puis avec beaucoup de lucidité, à l’histoire : celle de sa propre famille, celle avec un grand H.

« J’ai écrit ce roman pour faire surgir un monde oublié, pour dire nos instants joyeux, discrets comme des filles de bonnes familles: le parfum de citronnelle dans les rues, les promenades le soir le long des bougainvilliers, les siestes l’après-midi derrière les moustiquaires trouées, les conversations futiles, assis sur un casier de bières, les termites les jours d’orages… J’ai écrit ce roman pour crier à l’univers que nous avons existé, avec nos vies simples, notre train-train, notre ennui, que nous avions des bonheurs qui ne cherchaient qu’à le rester avant d’être expédiés aux quatre coins du monde et de devenir une bande d’exilés, de réfugiés, d’immigrés, de migrants. »

L’écriture de Faye est vive, elle chante, elle virevolte, elle emporte, là-bas, au Burundi, ce petit pays où il faisait si bon vivre, où l’enfer est en train de faire son retour plus de 20 ans après la tragédie que Gaby a vécue…

« Petit pays » est sélectionné dans la dernière liste du Goncourt qui sera décerné ce mercredi 3 novembre. On croise les doigts.

 

 

 

 

 

 

Des garçons bien élevés,Tony Parsons, Collection Points

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Ils étaient sept à la fin des années 80 à fréquenter Potter’s Field, cet établissement scolaire très prestigieux, à la discipline toute militaire. Sept jeunes gens de bonnes familles : les meilleures,  les riches, celles qui fréquentent la haute société londonienne. Celles qui côtoient le pouvoir.

Vingt ans plus tard,  ces anciens élèves ne sont pas vraiment à la fête. Quelqu’un semble s’acharner sur eux.

D’abord, c’est Hugo Buck, banquier de son état, qui est retrouvé égorgé, quasi décapité à son bureau. Pas vraiment une grande perte : l’homme était violent, on ne compte plus les hématomes sur le corps de sa jeune épouse. N’empêche …

Quelques jours plus tard, c’est Adam Jones, un SDF complètement défoncé qui subit le même sort. A priori, aucun lien entre les deux victimes… Sauf qu’elles sont toutes les deux passées par Pottier’s Field … Sauf que sur chaque scène de crime, on trouve le même graffiti en éclaboussures de sang : « porc » …

L’affaire est confiée à Max Wolfe. L’inspecteur, qui n’a pas hésité à désobéir à sa hiérarchie pour empêcher un attentat kamikaze, vient d’être muté à la crime. Ce sont ses premiers meurtres dans la section. Une affaire pour le moins délicate, alors que la vie au quotidien n’est pas toujours simple pour lui qui vit seul dans son loft, avec sa petite fille de 5 ans et leur chiot Stan, un bébé cavalier king charles.

L’enquête est difficile, d’autant que la presse et les réseaux sociaux s’en mêlent, soupçonnant très vite l’existence d’un tueur en série : « Bob le boucher sème la terreur dans la City… »

Pour Max, dont la vie ne tient qu’à un fil aussi, il est évident que ces anciens étudiants  de Pottier’s Field  portent en eux un effroyable secret qui est la cause de ces meurtres : un mensonge qui nourrit une soif de vengeance incroyable.

Laquelle ? C’est à découvrir dans ce policier qui, sans être le polar de l’année, est d’excellente facture. Une fois qu’on l’a commencé, on ne le lâche plus.

L’écriture est rapide, efficace, la construction parfaitement maîtrisée, et le héros, Max, terriblement humain, ce qui rend l’intrigue encore plus attachante.

« Des garçons bien élevés  » a connu un énorme succès en Grande-Bretagne. La suite est déjà parue en anglais.

 

 

 

 

 

 

Les réponses, Elizabeth Little, 10-18

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Janie Jenkins a été reconnue coupable, il y a dix ans déjà, de l’assassinat de sa mère, la très riche et très mystérieuse Marion Elsinger.

Suite à un problème de procédure et de manipulation de preuves par le laboratoire de la police scientifique de L.A,  la jeune femme sort de prison : une libération qui scandalise les Etats-Unis.

Janie est traquée de partout, les journalistes ne lui laissent pas une minute de répit.

Mais est-elle coupable ou innocente finalement ?

Elle n’en sait rien elle-même : elle ne se souvient absolument pas de cette nuit-là, elle était trop bourrée.

Tout juste se rappelle-t-elle les deux derniers mots prononcés par sa mère avant qu’elle ne meure. Et c’est avec ces deux mots-là que Janie va se mettre en route, à la recherche de la vérité et de toutes les réponses aux questions qu’elle se pose depuis plus de dix ans.

Elizabeth Little signe ici son premier roman. Une intrigue machiavélique. Un suspense étonnant.

Un vrai bijou.

On attend avec impatience la confirmation de son talent.

 

 

 

Le dernier des nôtres, Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Grasset

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Manhattan, 1969. Werner Zilch est assis dans un restaurant quand il aperçoit une jeune femme:  »La première chose que je vis d’elle fut sa cheville, délicate, nerveuse, qu’enserrait la bride d’une sandale bleue… »

Une rencontre, un coup de foudre pour Werner qui a été adopté par une famille américaine au sortir de la guerre, et qui ne s’est jamais vraiment préoccupé de ses origines.

Une passion instantanée aussi pour la jeune femme. Rebecca, la fille d’un des hommes les plus puissants du pays. Rebecca, l’artiste en vue, l’enfant hyper gâtée par son père.

Rebecca et Werner donc. Qui vont très vite s’aimer. Jusqu’au jour où le jeune homme est présenté à Judith, la mère de Rebecca qui s’effondre quasi instantanément en voyant l’amoureux de sa fille.  Qu’est-ce qui a bien pu provoquer cet évanouissement ? Judith a-t-elle reconnu quelqu’un sous les traits de Werner ? Une chose est certaine, plus rien ne sera jamais comme avant, parce Rebecca disparaît du jour au lendemain de la vie de Werner qui ne comprend absolument rien à ce qui lui arrive.

Dans ce New York si captivant de la fin des années 60, Werner va devoir plonger dans son propre passé pour découvrir la vérité : celle de deux frères ennemis et celle de deux femmes liées par une amitié indéfectible, à Dresde, en 1945, sous une déluge de bombes.

Adélaïde de Clermont-Tonnerre signe une superbe saga, une véritable tragédie sur les ruines de la seconde guerre mondiale.

Un roman impossible à lâcher, tellement on est pressé de connaître le sort réservé à ces héros si attachants. Tellement attachants que « le dernier des nôtres » a reçu, dès sa sortie, le premier prix « Filigranes ».

Mon Amérique, 50 portraits de légende, Philippe Labro, collection Points

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Il y avait longtemps que Philippe Labro voulait rendre hommage à ces héros qui l’ont accompagné à dix-huit ans quand il a débarqué en Virginie pour étudier et ensuite voyager à travers cette Amérique qui le fascine tant.

Le journaliste écrivain en a finalement choisi cinquante. D’une manière plus ou moins aléatoire précise-t-il. « Il m’a fallu procéder à de cruelles impasses et risquer les apostrophes : pourquoi celui-ci et pas celui-là ? Pourquoi préférer Louis Armstrong à Miles Davis, Hemingway à Dos Passos (…) Dylan à Springsteen (…) Pourquoi ignorer certains contemporains ? (…) Parce que c’est eux, parce que c’est moi. »

Et Labro poursuit :  »Mes Américains sont des rebelles, des mavericks, des empêcheurs de tourner en rond … Ils ont bousculé l’ordre établi avec courage et inventivité. »

Parmi ces cinquante portraits, on trouve ceux de Mohamed Ali, Woody Allen, Marlon Brando, Al Capone, Amelia Earhart, Katharine Hepburn, Edward Hooper, JFK, Robert de Niro ou encore Orson Welles. Rien que des légendes, Labro avait prévenu !

Libre à vous de les lire dans l’ordre alphabétique dans lequel ils sont présentés.

Libre à vous de piocher où bon vous semble au gré de vos envies.

Libre à vous encore de les lire en une après-midi au coin du feu, ou choisir de faire durer le plaisir, un peu comme on laisserait fondre un caramel beurre salé ou un chocolat sur la langue, en réservant un de ces portraits par jour.

Parce que la sensation ressentie est la même : un vrai moment de bonheur.

L’insouciance, Karine Tuil, Gallimard

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Romain Roller est lieutenant dans l’armée française. De retour d’Afghanistan, il ne va pas bien. Plusieurs de ses hommes ont été tués ou très grièvement blessés, et il n’a pas pu l’empêcher.

En séjour de décompression dans un Palace chypriote, il fait la connaissance d’une journaliste avec qui il a une liaison. Elle s’appelle Marion, elle est l’épouse de François Vély : un homme d’affaires très en vue, fils d’une ancien ministre et résistant juif.

A Paris, Romain et Marion se revoient alors que François devient très rapidement la cible des médias qui l’accusent de racisme, après qu’il ait posé pour un magazine assis sur une œuvre d’art représentant une femme noire. Le tollé est général, de quoi menacer et complètement ruiner sa réputation. De quoi surtout faire crouler l’empire financier qu’il a mis des années à construire.

C’est Osman, un des amis d’enfance de Romain qui va prendre publiquement sa défense. Osman, fils d’immigrés ivoiriens. Une personnalité politique montante depuis les émeutes dans les banlieues en 2005. Osman qui conseille le Président de la République. Osman qui navigue à présent dans les coulisses du pouvoir et de l’Elysée.

Comment ces quatre-là vont-ils vivre ce tourbillon qui les entraîne inéluctablement vers les tourments ? Comment vont-ils faire face à cette déferlante médiatique qui pourrait bien tous les emporter ?

Réponse dans ce roman magistral. Fascinant. Si cruellement contemporain.

Peut-être le meilleur de cette rentrée littéraire.