Nos premiers jours, Jane Smiley, Rivages poche.

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Quand tout commence, en 1920, la grande guerre vient de finir.

Après tant de malheurs, tous les espoirs sont permis.

Pour tout le monde.

Walter Langdon, vingt-cinq ans, et son épouse, Rosanna, n’attendent qu’une seule chose : que la ferme et les terres qu’ils viennent d’acheter, dans l’Iowa, puissent assurer leur avenir et celui de Franck, leur bébé.

Parce que Walter compte bien s’affranchir de son père qui a la furieuse manie de tout vouloir contrôler, et parce que le bâtiment compte quatre chambres : de quoi pouvoir envisager sereinement d’agrandir la famille, en vivant des cultures et de l’élevage.

Et très rapidement, la famille salue la naissance de plusieurs enfants : autant de joie, mais aussi autant de bouches à nourrir, alors que la Grande Dépression qui frappe les Etats-Unis de plein fouet va avoir des conséquences sur le quotidien des Langdon pendant des années.

Walter travaille dur. Très dur. Il ne ménage pas sa peine pour que les siens ne soient pas dans le besoin.

Et lui mieux que personne sait que cette vie au grand air ne présente pas que des avantages.

Mais le couple s’accroche, les enfants grandissent, et personne ne voit le temps passer dans cette saga familiale que vous aurez beaucoup de mal à lâcher.

Ce premier tome de la trilogie, que Smiley a nommée « Un siècle américain », vous emportera dans l’Histoire à travers ses personnages auxquels on s’attache directement.

Des personnages qui évoluent comme leur pays.

Avec eux, nous traversons tous les grands épisodes que les Etats-Unis ont connus : après la Grande dépression, la guerre 40-45, ses conséquences politiques, le communisme, la place des femmes et leur difficile émancipation, mais aussi des épisodes plus personnels, comme celui de vouloir prendre le contrôle de son propre destin, et ne pas laisser les autres décider à votre place, ne pas laisser la filiation et le poids du passé compromettre votre propre avenir…

Il y a tout ça et bien plus encore dans ce magnifique roman qui parcourt 33 années de l’existence du couple Langdon et leurs enfants : une année relatée par chapitre.

Et c’est une véritable performance de Smiley qui, par son style incroyablement sobre et fluide, permet d’entrer dans l’intimité de chaque personnage.

Smiley qui est incontestablement une des meilleures auteures de sa génération dans la littérature américaine. Si vous ne la connaissez pas, foncez.

Quand on referme « Nos premiers jours », on n’a qu’une envie, celle de se plonger directement dans la suite : « Nos révolutions », paru chez Rivages.

Les pleureuses, Katie Kitamura, Collection Points

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Tout commence quand la narratrice reçoit un coup de téléphone de sa belle-mère.

Isabella, qui a toujours trouvé sa belle-fille arrogante,  s’inquiète de ne plus avoir de nouvelles de son fils Christopher.

Le problème, c’est que la narratrice est séparée de son mari Christopher depuis six mois, et qu’ils n’en ont rien dit à personne.

Volontairement.

Elle a même recommencé à refaire sa vie de son côté à Londres et n’a plus parlé à son futur ex-mari depuis quelques semaines.

Elle n’a donc aucune idée de l’endroit où il peut être, ce qui semble complètement incongru à Isabella. D’autant que Christopher lui a affirmé, il y a quelque temps, que le couple allait partir en Grèce.

La jeune femme ne sait pas comment réagir à cette affirmation, et devant l’insistance de sa belle-mère, elle décide de se rendre là où Christopher aurait été vu pour la dernière fois, c’est-à-dire dans un hôtel perdu du Péloponnèse.

Christopher, un écrivain doué, mais paresseux, y serait descendu afin d’effectuer des recherches pour son nouveau livre, une étude sur les rites funéraires à travers le monde. Et dans cette région du Péloponnèse,  il y a encore des pleureuses qui l’intéressent particulièrement…

A son arrivée à l’hôtel, dans un paysage lunaire, les incendies ayant tout ravagé sur leur passage, la narratrice se rend compte immédiatement qu’elle n’y est pas franchement la bienvenue.

La réceptionniste ne peut cacher sa mauvaise humeur de la voir débarquer.  « Je me suis souvenue – avec détachement, c’était il y a bien longtemps – de la façon dont Christopher approchait une femme et s’immisçait dans sa conscience, il était très doué lorsqu’il s’agissait d’impressionner quelqu’un. »

Les jours passent, et toujours aucune trace de Christopher.

Des heures d’attente, et surtout l’occasion pour la jeune femme de faire le point sur sa vie, sur sa relation avec le disparu, et sur les raisons de l’échec de leur mariage, avec toujours ces questions qui reviennent sans cesse : où est Christopher, pourquoi ne revient-il pas dans sa suite à l’hôtel …

La réponse, dans ce très joli roman, le premier traduit en français de Katie Kitamura, que certains présentent comme une des figures montantes de la scène littéraire américaine.

Une écriture toute en finesse, délicate, pour une construction efficace qui ne permet pas de déposer le roman un instant.

Un roman noir, un suspense psychologique tendu, de quoi vous faire passer d’excellents moments de lecture.

Katie Kitamura, un nom à retenir.

 

 

 

La cible était française, Lee Child, Livre de Poche

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Jack Reacher, qui ne possède toujours aucune adresse fixe, ni téléphone portable,  est, comme d’habitude, sur la route, dans un car, quelque part aux Etats-Unis en direction de Seattle, quand il repère une petite annonce où figure son nom dans un hebdomadaire de l’armée.

Un de ses anciens supérieurs lui demande de l’appeler.

Il n’a pas vraiment le choix, il doit répondre.

Il prend donc contact avec son ex-hiérarchie, qui lui affrète aussitôt un jet pour l’emmener à Fort Bragg, en Caroline du Nord, là où est installé le QG des Forces spéciales américaines.

C’est que la situation est plus que délicate : on vient de tirer sur le Président de la République française. Problème, la balle est américaine.

Même si le Président est indemne, le sniper a réussi à toucher l’écran de protection à une distance absolument phénoménale : 1300 mètres, en plein Paris.

Le général qui a convoqué Reacher en est convaincu : il s’agit là d’un avertissement.

La prochaine fois, le tireur se manifestera très certainement au G8.

Et là, il est possible que parmi les victimes, il y ait le Président des Etats-Unis. Ce qui est complètement impensable pour celles et ceux chargés de garantir sa sécurité.

Alors qui est ce mystérieux tireur d’élite ?

Ils ne sont pas très nombreux, à vrai dire, de par le monde à pouvoir réaliser une telle performance.

Les services d’espionnage US en ont comptabilisé quatre en tout. Dont un américain : John Kott, un individu que Reacher a fait mettre en prison il y a quinze ans.

L’homme est à présent libre. Libre et introuvable.

On demande donc à Reacher de (re)mettre la main dessus.

Rapidement.

Une mission secrète, entre Paris et Londres, avec les services spéciaux français, russes et britanniques dans les pieds, qui essaient tous évidemment de tirer la couverture à eux…

Voilà qui ne risque pas d’être simple pour Reacher, qui ne peut pas refuser d’aider ses anciens patrons.

C’est la neuvième enquête de Jack Reacher (déjà) et c’est toujours un plaisir de le retrouver.

Aucune baisse de qualité dans sa série. Le 9ième tome est aussi bon que le premier. Précision : vous n’avez pas besoin d’avoir lu les 8 précédents pour comprendre et apprécier celui-ci.

Jack Reacher, un héros qui ne ressemble à aucun autre, tellement atypique et pourtant si attachant, alors qu’on sait très très peu de choses sur sa personnalité.

L’écrivain Ken Follett, qui en connaît un brin en bonnes histoires,  dit de lui qu’il est le nouveau James Bond. Et qu’il est le héros dont on ne se lassera jamais.

Ce qui est certain, c’est que Lee Child réussit particulièrement bien à torcher ses romans.

Un peu comme dans les meilleures séries télé, quand on s’enfile 8 épisodes à la suite. Impossible de lâcher celui-ci.

L’écriture de Child est nerveuse, il va droit au but pour servir une intrigue on ne peut plus efficace, comme Reacher en somme.

Bien loin de la rentrée littéraire, mais de quoi vous assurer un excellent moment de lecture …

Reconnu coupable, John Fairfax, Editions du Masque

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William Benson n’est pas vraiment un avocat pénaliste comme tous les autres.

La machine judiciaire, il la connaît mieux que quiconque, puisqu’il vient de passer de très longues années en prison pour le meurtre de Paul Harbeton.

Des faits qu’il a toujours niés en clamant son innocence.

D’ailleurs la dernière fois que Tess de Vere l’a vu, alors qu’elle était toujours étudiante en droit, c’était juste après le verdict et cette condamnation à la réclusion à perpétuité.

Tess s’en souvient très bien : William s’adressait à ses avocats, il continuait de dire que les jurés s’étaient trompés.

Et Tess l’avait cru.

Ce jour-là aussi, il avait fait part de son intention de se mettre à étudier le droit, pour entrer au barreau. Un souhait pour le moins curieux quand on vient d’être condamné à autant d’années de prison.

Seize ans plus tard, Benson est sorti : une libération qui a été possible parce qu’il a reconnu sa culpabilité. Une étape non négociable pour envisager une réhabilitation et un accès à la profession d’avocat qui l’attire tant.

Seize ans plus tard aussi, Tess, devenue avocate également,  retrouve William qui dirige à présent son propre cabinet à Londres, malgré l’opposition de la famille de la victime et de certaines autorités. Le gouvernement britannique voit en effet d’un très mauvais oeil ses activités au barreau.

Un tout petit cabinet, mais qu’importe. William a une mission à présent : défendre les intérêts de sa première cliente.

Elle s’appelle Sarah Collingstone, c’est une jeune maman, complètement désespérée, et sans le sou. Elle est accusée d’avoir tué son riche amant.

A première vue, les éléments contre elle sont plutôt accablants, mais comme son conseil il y a des années, elle jure qu’elle est innocente.

Alors que le procès commence, Tess s’associe à William pour l’aider à découvrir la vérité, pour enquêter sur leur cliente, mais aussi sur le meurtre de Paul Harbeton qui ne cesse de la hanter.

John Fairfax, qui signe le premier tome d’une nouvelle série mettant en scène les deux avocats Benson et de Vere, a été frère augustinien avant de quitter l’ordre, et devenir avocat, et puis écrivain.

Il signe ici un thriller judiciaire plus que bien ficelé.

Un héros atypique et attachant.

Une intrigue qui tient la route jusqu’aux dernières pages.

Bref, une très belle découverte qui a reçu le Prix du Masque de l’année étranger 2018.

Et les éditions du Masque se trompent rarement … vivement le tome 2 …

 

 

La gouvernante suédoise, Marie Sizun, Folio

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Nous sommes dans un des quartiers élégants de Göteborg, en 1867.

Là où viennent de s’installer Léonard Sèzeneau avec son épouse anglaise, quelque temps avant leur divorce.

Léonard, quarante ans, professeur de français, anime aussi à l’occasion des conférences sur la littérature française.  Et c’est lors d’une de ces présentations sur Madame Bovary qu’il fait la connaissance d’Hulda, 17 ans, Hulda, la très timide fille de riches banquiers, les Christiansson.

Quelques semaines plus tard, la jeune femme demande à son père de pouvoir prendre des leçons de français avec ce professeur dont on dit le plus grand bien en ville.

Sa demande est exaucée et son entourage familial ne peut que constater les bénéfices de ces cours particuliers sur l’épanouissement d’Hulda, « la jeune fille a depuis quelque temps quitté l’expression d’ennui maussade qui était la sienne depuis son retour du pensionnat. »

Petit à petit, on comprend qu’Hulda est attirée par Léonard, et bien évidemment, les choses se précipitent.

« Hulda a-t-elle osé, elle, la jeune fille sage, se glisser dans l’appartement abandonné par la malheureuse Anglaise ? De quelle façon les amants se sont-ils retrouvés, en quels lieux ? Personne n’a rien vu. Toujours est-il qu’au printemps 1868 le scandale éclate, soit qu’ils aient été surpris, soit que la petite a parlé à sa mère : elle est enceinte. Un coup de tonnerre pour la famille du banquier … »

Inutile de préciser que Léonard est limogé sur le champ, même s’il a formulé une demande en mariage et que Hulda est cloîtrée dans sa chambre … Mais la jeune femme est déterminée : elle menace de se tuer si elle ne peut pas le rejoindre.

Quelques mois plus tard, elle donne naissance à un petit garçon, et la petite famille revient en grâce auprès des parents banquiers. Le père se chargeant même de trouver un travail plus lucratif à son beau-fils qui réussit à développer les affaires qui lui ont été confiées au delà de toutes les espérances.

Les années passent, Hulda accouche d’un deuxième petit garçon, puis d’une petite fille et est enceinte une fois encore. C’est à ce moment-là que Léonard, très souvent éloigné par son travail, décide de chercher une gouvernante pour soulager son épouse, et l’aider dans l’éducation de leurs enfants.

Ce sera Livia, qui sera engagée.

Livia, vingt-deux ans, de la personnalité, de la prestance. Tout ce qu’il faut pour tenir une maison et veiller à l’éducation de bambins turbulents.

La jeune gouvernante fait donc son entrée dans la famille.

Très vite, elle se rend quasi indispensable.

Hulda peut enfin souffler un peu et voit en elle une véritable amie, sa seule confidente. Léonard, lui, ne peut qu’essayer de dissimuler la complicité qu’il développe en sa compagnie et les enfants l’adorent. Très vite, Livia est adoptée par tous et devient bien plus qu’une simple gouvernante.

Mais les affaires de Léonard ne vont pas bien. Il décide de s’installer en France, avec toute sa famille. Livia est de la partie également. Curieux quand on sait les difficultés financières auxquelles doivent faire face les Sèzeneau.

Pourquoi Livia les a-t-elle accompagnés dans cette sinistre maison à Meudon, pourquoi accepte-t-elle d’être le témoin de ce déclin,? Quels sont les secrets qu’elle porte en silence, sans jamais se plaindre ni exiger quoi que ce soit ?

C’est à lire dans ce magnifique roman de Marie Sizun.

Un roman d’amour, d’attirances, porté par une écriture d’une élégance rare.

Avec pudeur et retenue, avec tendresse, avec grâce et beaucoup de ferveur aussi Marie Sizun raconte l’histoire de sa famille, de ses ancêtres franco-suédois, en essayant d’être la plus proche possible de la vérité, malgré un certain mystère qu’elle n’a pas pu percer, faute d’archives suffisantes.

On ne peut qu’être séduit(e) par cet ouvrage au charme délicieusement désuet.

Derrière la lumière, Cyrille Legendre, Editions du Masque

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Son nom est connu dans tout le pays : il s’appelle Dan Mitlov.

Impossible de ne pas savoir qui il est : c’est la personnalité préférée des français. Rien que ça.

Métis aux yeux bleu clair, Dan est charismatique, inutile de le nier.

Il présente le jeu télévisé Prize Money sur la première chaîne, celle qui fait le plus d’audience. Des millions de téléspectateurs le regardent à chaque apparition dans la petite lucarne animer ce jeu hyper-populaire qui permet aux participants et aux téléspectateurs de gagner une petite fortune, et de changer de vie pour la plupart des gagnants.

Ce programme est surtout une consécration pour Dan, parce que le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il en a bavé pour arriver là où il est, sous les feux des projecteurs, à un poste qu’ils sont nombreux à jalouser.

L’enfance de Dan a été chahutée. Ses parents adoptifs américains l’ont rejeté, il a dû se faire tout seul et n’a pu compter que sur lui-même.

D’ailleurs, c’est sa participation et ses performances à un jeu télévisé qui l’ont révélé au grand public il y a quelques années.

Quand il a fallu remplacer l’animateur-vedette, c’est vers lui que la production et les responsables de la troisième chaîne publique se sont tournés, même s’il le reconnaît bien volontiers, il ne connaissait absolument rien au milieu de la télévision.

Depuis, les choses ont bien changé.  Sa percée dans le milieu audiovisuel a été foudroyante.

A présent, Dan est richissime, il gère ses affaires de main de maître.

Tout le monde sait bien sûr que le milieu de la télé est peuplé de requins. Dan le premier. Et s’il est au top de sa carrière pour le moment, il compte bien le rester.

Un jour, à la fin de l’enregistrement d’une de ses émissions, et comme il le fait chaque fois, Dan se tourne vers le public, serre des mains, embrasse des grands-mères, signe des autographes, quand une jeune femme lui glisse à l’oreille : « Je sais ce que tu as fait. je sais qui tu es réellement.  »

Qui est cette jeune femme ? pourquoi lui a-t-elle dit ça ?

Réponse dans ce roman, drôlement bien ficelé et construit par Cyrille Legendre. Cyrille Legendre qui connaît particulièrement le milieu puisque lui aussi, comme son personnage, a multiplié les participations à des jeux télévisés : « Maillon faible », « Money drop », « Questions pour un champion », et un record aux « Douze coups de midi » sur TF1, 71 émissions empochant un gain de 350.000 euros…

De qui s’est-il inspiré pour écrire ?

Legendre ne le dira pas, il vous laisse libre de vous faire votre propre idée dans ce thriller qu’on ne lâche pas une seconde, un thriller absolument sans concession sur ce milieu si cruel.

Un thriller qui a reçu le Prix du Masque de l’année … c’est dire …

Snobs, Julian Fellowes, 10-18

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Edith Lavery est une ravissante jeune femme de vingt-sept ans.

Elle est la fille unique d’un père expert-comptable qui a très bien réussi et d’une mère dont le seul rêve est de lancer sa fille dans le monde. Le beau monde.

Aujourd’hui, pour tromper son ennui, la jeune roturière travaille comme standardiste dans une agence immobilière.

Lors d’un week-end à la campagne, elle croise Charles Broughton, l’un des célibataires les plus convoités de l’aristocratie anglaise. Quelques semaines plus tard, elle fait plus ample connaissance avec lui lors des courses à Ascot. Et, au grand désespoir de lady Uckfield, la mère de Charles, son fils tombe amoureux d’Edith.

Une liaison qui attire immédiatement l’attention des tabloïds qui n’hésitent pas à présenter Edith comme « une Cendrillon des temps modernes, l’employée de bureau soudain transportée au Pays des Rêves ».

Même si au début, la jeune femme est agacée d’être présentée comme celle qui grimpe à l’échelle sociale, elle finit par apprécier l’attention qu’elle suscite.

Les fiançailles des tourtereaux sont annoncées, et le mariage célébré en grandes pompes quelques mois plus tard, devant « une brochette de personnalités de la famille royale et de la haute société ».

La mère d’Edith ne peut cacher sa joie de voir sa fille devenir comtesse. La mère de Charles est assez désespérée, mais a trop d’éducation pour le montrer.

Le temps passe. La jeune femme doit bien se rendre à l’évidence.

Son existence avec Charles n’est pas spécialement trépidante. Entre d’interminables parties de chasse, des thés de bienfaisance où elle est obligée de supporter sa terrible belle-mère, et la vie à la campagne au rythme des saisons, Edith n’aurait jamais imaginé s’ennuyer aussi mortellement.

Jusqu’au moment où elle rencontre Simon Russell, un acteur de séries télé. Pas vraiment une star, pas un sombre inconnu non plus.

Juste de quoi susciter une fois encore l’intérêt de la presse à sensation, et de s’attirer les foudres de ce monde si fermé qu’elle a eu tant de mal à intégrer et qu’elle vient de quitter au bras de son amant ?

A quoi va ressembler sa vie à présent qu’elle est retournée s’installer à Londres, quel avenir lui réserve son aventure avec le beau Simon ? Edith trouvera-t-elle la force de résister aux critiques très dures qui fusent de partout ?

C’est à lire dans ce très très joli roman de Julian Fellowes.

« Snobs » est son premier roman. Il signera par la suite « Passé imparfait » et « Belgravia ».

Fellowes, qui est par ailleurs l’auteur de Downton Abbey, est probablement devenu le meilleur pour décrire l’aristocratie anglaise, ses moeurs, ses travers, son mode de fonctionnement si particulier.

Ici, l’intrigue est portée par la force des personnages et par une narration impeccable. Impossible de lâcher « Snobs » sans connaître la fin de l’intrigue. On y trouve tous les ingrédients qui rendent la lecture addictive : des personnages plus qu’attachants, de la tendresse, de l’amour, des coups bas, de l’ironie. De l’humour aussi, évidemment.

Absolulely delicious.

Femme de tête, Hanne-Vibeke Holst, Pocket

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Charlotte Damgaard est la porte-parole des sociaux-démocrates danois.

Elisabeth Meyer en est la très charismatique présidente.

Les deux femmes se connaissent bien et s’apprécient mutuellement, et même si parfois, elles ne sont pas tout à fait sur la même longueur d’onde, elles arrivent à effacer leurs divergences pour faire passer leurs idéaux.

Ce qui tombe plutôt bien puisque dans quelques semaines, les danois se rendront aux urnes.

C’est l’occasion ou jamais pour Meyer de renverser les partis de droite actuellement au pouvoir et enfin devenir la première femme Première Ministre du pays.

Mais la tâche est loin d’être simple : trois soldats danois viennent d’être tués en Afghanistan, la population grogne, la politique d’intégration à mener divise l’opinion,  un jeune d’origine arabe est agressé lors d’une manifestation d’extrême droite, il est dans le coma, on ne sait pas s’il va s’en sortir, et le Premier Ministre actuel n’est pas du genre à se laisser pousser vers la sortie sans broncher.

La campagne électorale s’annonce rude. Féroce même.

D’autant que les deux femmes font face chacune à de graves difficultés dans leurs vies personnelles.

Le mari de Charlotte n’arrête pas de lui mettre la pression pour qu’elle quitte la politique et accepte un poste beaucoup moins exposé.

Pour Elisabeth, la situation est beaucoup plus sombre : des examens médicaux qu’elle a passés dans le plus grand secret, même son milliardaire de mari n’est pas au courant, viennent de confirmer ses craintes : comme sa mère, et comme son frère avant elle, elle est atteinte d’un Alzheimer précoce. Une maladie héréditaire qui la ronge depuis quelques années déjà, mais qu’elle a toujours su cacher à son entourage.

Il va falloir qu’elle tienne bon jusqu’après les élections, histoire de ne pas réduire à néant le travail de toute sa vie, histoire aussi de pouvoir passer le flambeau à Charlotte … Mais comment faire campagne alors que la mémoire s’en va tout doucement ?

Pour couronner le tout, Charlotte et Elisabeth font l’objet de menaces de mort …

C’est dans cette atmosphère lourde que se déroule la campagne : entre guerre contre le terrorisme, dérives identitaires, et coups tordus.

L’arène politique est absolument impitoyable à fortiori quand il faut, en plus, faire face à la maladie qui progresse, inexorablement …

Vibeke signe ici le troisième volume de sa trilogie consacrée aux coulisses et à la vie politique danoise.

« Femme de tête » peut se lire et se comprendre sans avoir lu les deux premiers tomes « le Prétendant » et « l’Héritière ».

On a entre les mains un excellent thriller : près de 1000 pages pour vivre aux côtés de ces femmes qui ont sacrifié leur vie personnelle pour faire de la politique, dans cette  histoire passionnante, rondement menée, où l’ambition des uns combat la folie des autres…

A quand une suite ?

Une vie entre deux océans, M.L. Stedman, Livre de Poche

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En 1918, Tom Sherbourne vient de passer des mois très difficiles dans les tranchées.

Depuis que la guerre est finie, le jeune homme ne pense qu’à oublier les horreurs qu’il a vécues et rentrer chez lui, en Australie.

Dans son pays, Tom, qui a besoin de solitude et de tranquillité, accepte un poste de gardien de phare, sur l’Île de Janus. La terre est isolée, sauvage, mais qu’importe, il accepte le poste.

Quelque temps plus tard, il fait la rencontre d’Isabel. Entre eux, un coup de foudre. Ils se marient et sont très heureux sur leur île, loin de tout.

Seule ombre au tableau qui fait que leur bonheur n’est pas parfait, le couple n’arrive pas à avoir d’enfant.

Jusqu’au jour où un canot vient s’échouer sur le rivage. A son bord, le cadavre d’un homme et un bébé, en bonne santé.

Isabel voit là un vrai cadeau du ciel. L’opportunité d’être enfin maman.

Elle demande à Tom de ne pas signaler cette arrivée aux autorités, de ne pas la consigner dans les registres qu’il tient scrupuleusement. Le jeune homme hésite, mais finit par accepter la demande un peu folle de son épouse.

Sur cette île du bout du monde, les mois passent, les années aussi.

Mais comme partout ailleurs, la vérité finit toujours sortir …

Avec quelles conséquences ?  Vous le découvrirez dans ce superbe roman. Le premier de Stedman, une romancière australienne installée à Londres.

Un roman somptueux : une écriture élégante, des personnages extrêmement touchants pour porter cette intrigue et le suspense d’une histoire sur les relations familiales.

Un roman qu’on n’oublie pas. Un vrai coup de coeur.

L’insouciance, Karine Tuil, Folio

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Romain Roller est lieutenant dans l’armée française.

De retour d’Afghanistan, il ne va pas bien.

Plusieurs de ses hommes ont été tués ou très grièvement blessés, et il n’a pas pu l’empêcher.

En séjour de décompression dans un Palace chypriote, il fait la connaissance d’une journaliste avec qui il a une liaison. Elle s’appelle Marion, elle est l’épouse de François Vély : un homme d’affaires très en vue, fils d’une ancien ministre et résistant juif.

A Paris, Romain et Marion se revoient alors que François devient très rapidement la cible des médias qui l’accusent de racisme, après qu’il ait posé pour un magazine assis sur une œuvre d’art représentant une femme noire.

Le tollé est général, de quoi menacer et complètement ruiner sa réputation. De quoi surtout faire crouler l’empire financier qu’il a mis des années à construire.

C’est Osman, un des amis d’enfance de Romain qui va prendre publiquement sa défense. Osman, fils d’immigrés ivoiriens. Une personnalité politique montante depuis les émeutes dans les banlieues en 2005. Osman qui conseille le Président de la République. Osman qui navigue à présent dans les coulisses du pouvoir et de l’Elysée.

Comment ces quatre-là vont-ils vivre ce tourbillon qui les entraîne inéluctablement vers les tourments ?

Comment vont-ils faire face à cette déferlante médiatique qui pourrait bien tous les emporter ?

Réponse dans ce roman magistral.

Fascinant.

Si cruellement contemporain.