En 1945, Catherine Goggin a seize ans à peine.
Elle vient de se faire humilier et insulter par le curé de la paroisse qu’elle fréquente avec ses parents, dans son petit village, non loin de Cork, au sud de l’Irlande. Une humiliation publique lors de la messe hebdomadaire parce qu’elle est enceinte et qu’elle refuse de donner le nom du père de son enfant.
Ce jour-là, bannie de sa communauté, elle prend un billet aller, sans retour, pour Dublin, où elle s’installe sans connaître personne. Elle y trouve heureusement très rapidement du boulot au salon de thé de l’Assemblée Nationale irlandaise.
Quelques mois plus tard, dans des circonstances dramatiques, elle accouche d’un petit garçon, qu’elle abandonne à la naissance, avec beaucoup de regret, consciente qu’elle ne pourra pas lui assurer un avenir serein.
Sept ans ont passé.
Le bébé a grandi.
Il s’appelle Cyril. Il a été adopté par Charles et Maude Avery : un couple de dublinois, aisé, et excentrique. Elle écrit des livres, lui est banquier, assez connu, plutôt magouilleur.
Cyril grandit à l’abri du besoin, mais sans grande chaleur humaine. Son père lui faisant très souvent comprendre qu’il n’est pas un vrai Avery, qu’il ne le sera jamais puisqu’il a été adopté. Qu’à cela ne tienne. Il semble s’en accommoder sans trop de problème. Et ce genre de considérations complètement mesquines n’intéresse absolument pas le meilleur ami de Cyril, Julian Woodbead.
Les deux gamins se sont connus alors que le père de Julian, avocat, défend le père de Cyril, dans une bien vilaine posture par rapport au fisc.
Mais il faudra sept années supplémentaires pour que les deux ados se retrouvent dans la même école, dans le même internat.
Et Julian devient le rayon de soleil de Cyril.
Julian, si brillant, si beau, si aventureux, si dragueur, si charmeur.
Au fil des mois, alors que Julian multiplie les conquêtes féminines, Cyril va se rendre à l’évidence : lui, ce n’est pas les filles qu’il aime.
Lui, il est amoureux de Julian.
Et donc homosexuel.
Une évidence douloureuse dans cette Irlande rétrograde des années 60, où l’on envoie toujours en prison celles et ceux qui préfèrent le même sexe.
Impossible donc pour lui de révéler qui il est vraiment. Il essaie même vainement de se tourner vers les femmes…
Comment dans ces conditions va-t-il trouver son équilibre et son épanouissement intérieur ?
Réponse dans ce somptueux roman de John Boyne.
Un roman puissant, qui vous fera passer du rire aux larmes.
De la tendresse à la colère.
De la résignation à l’espoir.
En revivant toutes ces années à travers Cyril, ce héros si attachant, l’histoire de l’Irlande se dessine assez honteusement, des années 40 à nos jours, des années sida à la légalisation du mariage homosexuel.
Boyne signe un roman d’une justesse rare, sans un gramme de pathos pour dénoncer toutes ces injustices et toutes ces horreurs.
Un moment de grâce …